top of page
Photo27_27.tif

À travers les papilles de ma langue, je goûte peu à peu à la réalité. 

 

C'est dans mon estomac que l'émotion travaille, dilue et transmute le répertoire sensible/imaginaire en quelque chose de physique/palpable.

Les brûlures d'estomac de nourriture non digérée, reviennent dans ma bouche et elles savent qu'elles doivent être expulsées immédiatement.

 

Cette série visuelle se réapproprie l'utilisation d'objets/mots, communément présents dans une grande partie de mon travail. Entouré d'images philosophiques qui, en un clin d'œil, resignifie les processus complexes du corps réfugié dans la pratique collective quotidienne.

Au Brésil, selon l'article 297 du décret-loi n° 2.848 de 1940, la falsification d'un document public ou l'altération d'un document public authentique est passible d'une peine de prison de deux à six ans et d'une amende. L'annulation ou l'effacement de mots, de phrases ou de chiffres d'un document, indépendamment de l'insertion de nouvelles données ou de la modification de son contenu, caractérise le délit de suppression de documents, dans les termes prévus par l'Art. 305 du Code Pénal.

Pourtant, l'effacement est quelque chose de récurrent dans les corps LGBTQIAP+. Je connais les innombrables méthodes qu'ils utilisent pour effacer mon histoire. Ils concrétisent cet effacement à travers mes documents et créent l’inventaire physique de cette étrange structure politique.

C'est le moment idéal pour m'accuser d'un crime.

*Pour t’éclairer - j'ai déjà été accusé de "crime de diffamation religieuse" au Brésil, pour avoir présenté une œuvre dans un musée municipal alors que l’état m’avait censuré. J'ai été persécuté par la milice gouvernamentale, menacé et comme tu peux l'imaginer, ce fut le début de mon parcours jusqu'à ce que je sois reconnu réfugié en France.

Pour moi cette phrase " J'ai laissé la vaisselle dans l'évier et de la nourriture dans le frigo " devrait résonner comme une deuxième séquence poétique et visuelle au milieu de ce fil conducteur qui relie l'acte de quitter sa maison et d'être un corps réfugié. J’ai besoin de poser une toile narrative en creusant quelques chemins historiques.

Nous commençons cette promenade en 1987, par la période de la dictature militaire au Brésil, où “ l'Opération Tarentule" avait pour objectif de "combattre le sida". La police civile de São Paulo s'est servie de cette opération pour persécuter des personnes appartenant à des groupes stigmatisés, elle a arrêté et tué des travesties en les accusant d'outrage à la pudeur et de “crime de contagion vénérienne".

Outre la création de leur propre dialecte - Pajubá - la lame de rasoir sous la langue était l'un des moyens de se protéger dans la rue. L'image du "rasoir sous la langue" dialogue aujourd'hui avec la métaphore du fil barbelé et qui lui est intimement liée, transperçant la trajectoire de nos corps.

Dans la recherche du dialogue avec ce pays qui m’accueille, j’ai trouvé le livre "Histoire politique du barbelé" du philosophe français Oliver Razac, qui élucide différents fragments sur la poésie du barbelé.

Dans ce livre, je découvre que le fil de fer barbelé, créé il y a près de 150 ans pour être utilisé dans l'agriculture, autour des cultures et des pâturages, a pris d'autres formes et a commencé à être utilisé en ville, au-dessus des murs des usines, pour bloquer les rues lors des manifestations populaires, dans les casernes, les prisons et dans certaines maisons ; le long des frontières ou même autour de populations entières comme pendant la guerre de 95 à Cuba, en alimentant les tranchées de la Première Guerre, et dans les camps de concentration et d'extermination nazis.

Outre l'analyse de ses différentes utilisations, parfois catastrophiques, le bagage historique et symbolique du fil barbelé rend concret ce qu'est un réfugié aujourd'hui et dépeint une oppression fondée sur une brutalité visible.

Je sais que la perception de cet objet en Europe n'est pas la même qu'au Brésil, j’observe la géographie politique où je peux penser à la cartographie de la dictature contre la démocratie. Avec cela, j’essaie d'aligner allégoriquement les discours du risque à travers le fil barbelé comme une expérience politique


Quelles sont les possibilités d'appartenance à ce nouveau foyer lorsque votre nationalité se lit comme suit : NATIONALITÉ - Refugié Brésilien ?

Ou encore la symbolique du "marquage du bétail" présente sur la couverture du nouveau titre de Voyage, sorte de passeport spécial que l'on nous accorde après avoir remis à l'État français tous nos documents officiels, l'orthographe majuscule - RÉFUGIÉ.

S'agirait-il d'une sorte d'effacement à déchiffrer ou de la perpétuation d'un autre tampon de plus sur la peau ?

"Savez-vous combien il est difficile de 
comprendre et combien il est douloureux
de perdre son nom ? Car même les chiens
ont un nom et sans nom l'homme n'existe pas."  

Maxime Gorki

Qu'est-ce qui est autorisé dans la maison du colonisateur ?

assinatura.jpg
  • Instagram
bottom of page